Causerie autour de la sexualité

Compte-rendu d'une causerie aux rencontre de Brocéliande, juillet 2010


Il s'agissait donc d'une réunion (rajoutée sur place au planning) sur la sexualité des mineur-e-s, comment elle est vécue socialement, et quelles questions ça peut soulever de parler de ça : quand commence le sexe ? C'est quoi un viol, le consentement, le non-consentement ? Quels affects non-démêlés, quels tabous, quelles opinions liées aux vécus tout ça véhicule ?

Un peu curieusement, la discussion a commencé par l'idée que ces questions n'étaient pas problématiques. Puis on est parti sur une anecdote vécue, une personne qui a entendu un jour deux filles aux alentours de 12 ans causer dans la rue : «  de toutes façons les mecs, c'est facile, si tu veux les calmer, tu leur tailles une pipe ». On s'est demandé si c'était triste cette histoire (l'instrumentalisation du sexe, le rapport terre-à-terre) ou intéressant (régulation des tensions par le sexe) et à quel point nos ressentis là-dessus étaient liés à l'âge des protagonistes.

Autre histoire : une mère qui met une capote dans le sac de son fils de 11 ans qui part en colo, et cela avait créé toute une histoire à l'arrivée.

Puis on est reparti sur la définition du 'sexuel' comme domaine à part chez l'adulte : à quel moment ça se crée, à quel point c'est 'naturel' ou une création sociale, à quel point les changements du corps à la puberté orientaient le rapport au corps sur un rapport génital.

Quelqu'un a émis l'hypothèse que c'était les religions qui avaient banni le plaisir et asservi le sexe à la reproduction. On a aussi fait le parallèle avec la sexualité des vieux/vielles, ou des handicapé-es - perçue comme inexistante, ou dégoûtante, avec aussi le déni de la sexualité féminine avant le féminisme. Ça a amené l'idée que l'accès à la sexualité était aussi symboliquement l'expression d'une souveraineté : pour désirer quelqu'un, faut-il être maître et "possesseur" de soi-même ? Idée soulevée aussi de l'ambigüité de la notion d'innocence, à la fois pure et sans tabou, cf Adam et Eve.

Plus concrètement, la sexualité chez les mineur-e-s est vécue comme un truc auquel on "se prépare", par exemple avec la notion d'être prêt-e', et auquel on est souvent de fait mal préparé-e ('gestion' de la sexualité, rapport très cadré, médical, normé, hétérosexuel). Il y a beaucoup de peurs qui sont liées à la sexualité.

Ensuite il a été question du fort potentiel énergétique du sexe : faire l'amour serait plus fort que tout (sauf être pris dans une émeute peut-être : 'les orgasmes de l'histoire'). Dans le corps de l'enfant aussi, il y a une forte énergie – mais dans les expériences des adultes présents, lorsque cette énergie s'exprime vers eux dans sa dimension sexuelle, la réponse ne vient pas sous forme sexuelle mais de déviation de cette énergie vers autre chose (le jeu, la parole...) ; il a été noté que cette déviation systématique est une construction sociale, ce qui ne signifie pas qu'elle soit à déconstruire.

On a parlé d'autres endroits du monde où c'est en gros la période des règles qui indique chez la fille quand elle peut avoir ses premiers rapports, se marier etc ; situation qui peut être vécue comme positive (fuite du milieu familial ) ou pas (contrainte aux rapports sexuels) selon les situations.

On a distingué le rapport à la masturbation, qui peut être super bien vécu, y compris parfois dans une continuité de la petite enfance à l'âge adulte, et le rapport à la pénétration : « passer à l'acte », et on s'est demandé pourquoi, au sein de la multitude d'expérience qu'offrent les rapports au corps en général, la sexualité était à ce point génito-centrée et plus encore truc-dans-le-machin-centrée – alors que par exemple la masturbation peut être un acte sexuel à part entière, et peut-être qu'un massage de pieds aussi.

Après on s'est demandé comment les enfants très vite orientaient leur rapport au sexe en fonction des retours que les adultes leur donnaient sur la question, et pouvaient parfois les provoquer. On a parlé du jeu qui peut dédramatiser et permettre de vivre les relations de façon juste.

On a parlé du consentement comme une nécessité en général, pas spécifiquement lié aux questions de sexe : par exemple, te forcer à finir ton assiette, c'est aussi un viol de l'intimité de ton corps. On s'est demandé si les conséquences étaient potentiellement plus lourdes dans le cas d'un viol sexuel, ou si ça n'était pas lié justement à cette focalisation et importance accordée au sexe, si le traumatisme n'était pas une construction sociale et si d'autres actes forcés ne pouvaient pas avoir des conséquences aussi graves mais inaperçues parce que non reconnues socialement.

Le consentement, c'est quelque chose de délicat aussi parce qu'on peut très vite prendre l'habitude de ne pas savoir refuser quoi que ce soit, et à condition d'avoir un peu d'emprise (psychologique ou autre) sur quelqu'un on peut même obtenir de lui un consentement explicite pour tel ou tel truc alors qu'il voudrait dire non : cf « Quand céder n'est pas consentir » de l'anthropologue Nicole Claude Matthieu (à propos des femmes, mais à creuser pour les enfants)

Se pose donc à ce propos la question de savoir écouter. Et a contrario, par rapport à des situations où l'on doit imposer à l'enfant quelque chose qui ne respecte pas son envie du moment (par bienséance etc.), se pose la question de savoir imposer sans violence.

Quelqu'un a suggéré que ces questions du rapport au corps pouvaient être liées au rapport plus général à l'espace, et qu'il était donc important de construire / d'aménager des espaces où tous ceux qui les habitent puissent être bien.

Quelqu'un (non-parent) a soulevé la question du rapport au consentement chez la mère dans l'allaitement à la demande, quand elle n'en a pas envie. Une réponse a été : "C'est toujours génial les bébés ! on a toujours envie de leur donner tout et eux aussi ils te donnent ! par exemple ils t'apprennent tous les mudras avec leurs mains !!! " ; et une autre réponse : " Ah non, heu, désolée, mais c'est pas toujours génial les bébés, en réalité..."