La maison où tout le monde passe

à celles et ceux qui débarquent, qui restent ou qui s’en vont et à toutes celles et tout ceux qui les accompagnent

Il existe une maison magnifique et pleine d’eau.

Elle est si vaste et si belle que tout le monde peut y habiter.

Il y a de la place pour toutes et tous, a boire et à manger pour qui veut, et de grandes étendues d’herbes pour faire galipettes.

Quand on arrive dans cette maison, Il y a toujours un petit comité d’acceuil pour te souhaiter la bienvenue.

Par exemple on baisse un peu la musique et la lumière est tamisée pour pas trop heurter tes yeux et tes oreilles.

Parceque pour arriver là, il faut déjà avoir fait un sacré voyage. Pas évident du tout, même quand tu connais la route.

Aprés un tel voyage on se retrouve trés sensible aux ambiances.

C’est pour ça que le comité d’acceuil nous recouvre de tendresse et nous emmitoufle d’amour en chuchotant : “Bienvenue” et “merci d’être là”.

  • Aprés un temps, quand on est plus familier avec la maison, c’est la fête tous les jours :

On célèbre le passage, le partage, l’abondance et l’éphémère.

Et puis plus tard, quand vient le moment de partir, il y a toujours un petit comité d’adieux pour te souhaiter bon voyage,

te prendre dans les bras et t’accompagner jusqu’au seuil, avant ton prochain voyage peut-­être vers d’autres maisons.

Ce qui fait que cette maison est si chouette ,

C’est que tout le monde y passe en fesant attention que tout le monde soit bien acceuilli, s’y sente bien et reparte serein.

C’est ce qui fait que cette maison c’est le paradis !

Mais il faut faire attention à pas oublier qu’on est JUSTE DE PASSAGE !

Parce que si on oublie qu’on est juste de passage, alors on peut attraper la propriété.

La propriété c’est une maladie contagieuse et stupide qui te fait croire que quelquechose peut appartenir à quelqu’un­e.

Par exemple, si tu oubli que tu es juste de passage , tu peux dire :

“Maintenant, ici c’est chez moi !

Et toi t’as rien à faire chez moi ! Alors tu dégage !

Et toi, je te comprends pas, alors tu la fermes !

Et toi, je t’aime bien alors tu restes avec moi !

Et toi, je te tolère alors si tu veux rester dans MA maison, tu travailles, tu fais le ménage, tu m’obéis, tu me payes un loyer et des impôts et tu fais pas de bruit !”

Quand on arrive dans une maison contaminée par la propriété, on est acceuilli comme dans une usine:

on nous attrape par le pied, on nous pèse, on nous inspecte, on nous fait une piqure en disant : “au suivant”

Mais bon... au moins on est acceuilli...

Si on est encore sensible on trouve l’ambiance de la maison vraiment pourrie :

plus de fête, plus de partage, tout le monde travaille pour tomber malade ou le rester le plus longtemps possible, pour enfin attraper la propriété.

  • Et quand c’est l’heure de partir, on va seul jusqu’au seuil et personne, pas un mot, rien...

Tout le monde tourne le dos, l’air de dire :”bon débarras !”

Quand on est contaminé-e par la propriété on se sent désesperément seul-­e et séparé-­e.

On voit encore les autres mais on ne les sent plus.

Et ça transforme la magnifique maison en enfer.

  • Dans ce cas là, le mieux qu’on puisse faire quand on vit en enfer,

c’est d’offrir tout ce qu’on fait et de donner tout ce qu’on a

De faire attention que tout le monde soit bien acceuilli, se sente bien et reparte serein.

Mais surtout, et ceci est valable dans toutes les maisons : NE JAMAIS OUBLIER QU’ON EST JUSTE DE PASSAGE !

Sinon combien d’histoires faudra t-­il pour se le rappeler ?

Et quand est-­ce que la maison redeviendra vivable ?