Nous sommes tous d'anciens enfants !
Extrait de "Les enfants d'abord" de Christiane Rochefort
Ce sont les adultes qui parlent pour les enfants, comme les blancs parlaient pour les noirs, les hommes pour les femmes. C’est-à-dire de haut, et de dehors.
Entre les adultes qui parlent des enfants comme ils le veulent, et les enfants qui ne peuvent pas parler pour eux-mêmes, la passe est étroite. Et la mystification se porte bien.
Il faudrait pourtant sortir de là.
Mais être “adulte” après tout n’est qu’un choix, par lequel on s’oublie, et se trahit. Nous sommes tous d’anciens enfants. Tout le monde n’est pas forcé de s’oublier. Et dans la situation dangereuse où le jeu adulte aveugle nous a menés, et veut entraîner les plus jeunes, l’urgence aujourd’hui presse un nombre croissant d’anciens enfants qui n’ont pas perdu la mémoire de basculer côté enfants.
Ayant longuement vécu dans la cité, on connaît la mécanique du jeu adulte. On peut en montrer les rouages.
Comme ancien enfant qui a gardé la mémoire, on se souvient que la dépendance nous mettait un bâillon, et que l’éducation nous bandât les yeux, nous imposant non seulement des conduites mais des façons de sentir, conformes au projet adulte, et qui invalidaient notre expérience. On peut le dire, et confirmer l’expérience.
On ne parle pas du dehors, “sur” les enfants, on parle du dedans, et de soi.
Ce n’est pas un travail objectif. Mais les enfants ne sont pas des objets.