Outils de communication, leurre, épuisement

Sylvie Martin Rodriguez

Texte glané ici


Un déclic…

Cela fait quelques mois que j’ai pris conscience d’une chose essentielle pour notre vie de tous les jours avec nos enfants… Toutes les techniques que j’avais essayé d’utiliser pour x raisons, pour que mon enfant « comprenne » ce que je voulais de lui, pour qu’il réagisse comme je le voulais, comme je croyais qu’il lui fallait réagir, m’ont épuisée et fait perdre un temps précieux.

Un temps si précieux…

J’ai lu tellement de livres, sur la gestion des émotions, sur la communication « non violente », tous ces outils soi-disant respectueux de l’ « autre »…

Au lieu de simplement écouter mon enfant et SURTOUT, simplement lui répondre… Prise dans mes idées reçues, dans les milliers de conseils en tous genres, dans la théorie qui veut qu’un enfant soit ceci ou cela...

Ce temps passé à me leurrer sur mes propres intentions, voulant croire que je respectais mon enfant, que je ne lui faisais pas violence, simplement parce que j’utilisais des outils, des techniques… - parler à mon bébé qui pleure, il comprend... Il comprend quoi ? Que je lui parle, et que pendant que je lui parle, je ne réponds pas à son besoin. - l’écouter pleurer pendant un temps infini, sous prétexte de l’aider à lâcher les tensions, le stress… Au lieu d’être connectée à sa souffrance présente, à la cause de ses pleurs.

L’écouter pleurer, c’était lui faire une violence de plus. Pendant ce temps, je ne changeais pas la situation qui le violentait...Nous aurions pu continuer comme ça pendant des siècles..

Mais comme je l’ai dit, ces outils m’ont surtout aidée à me leurrer sur mon intention. Mon intention qui était d’amener mon enfant à faire, à agir, à réagir comme moi je voulais qu’il réagisse. C’est très sournois comme situation. C’est une violence contre laquelle l’enfant ne peut rien, elle est maquillée, entourée de papier cadeau, de rubans de couleur… Elle ne se voit pas...

J’étais fatiguée…

L'épuisement que je ressentais, c'était surtout un épuisement, un découragement, une lutte entre ce que je ressentais profondément, et ce que me dictaient la société et mes croyances sur ce qu'un enfant était sensé être...

Le soutien que j'ai reçu, le vrai soutien, ce ne sont pas ces outils, ce ne sont pas les petits trucs que l'on peut faire, ce ne sont pas mes tentatives pour adapter mes enfants à la vie que je leur proposais, mais le contraire.

Mon épuisement, la lutte intérieure, l'épuisement psychique aussi, se sont réduits de beaucoup quand j'ai compris que je faisais violence à mes enfants en leur imposant ma façon de vivre, mes croyances, mes préjugés, au lieu de les écouter eux, dans ce qu'ils disaient pourtant si clairement, mais qui était si "étranger" à tout ce que j'avais pu entendre sur les enfants jusque là…

Cela a été un vrai lâcher prise, c'était incroyable.... Parce qu’à partir du moment où j'ai compris que mes enfants étaient normaux, étaient humains, que leurs besoins, leurs demandes, n'étaient ni des caprices, ni seulement des tensions à sortir, mais une demande de respecter très fort leurs besoins, leur liberté, j'ai été tellement moins fatiguée.. Tellement moins…

Cette lutte est tellement "bouffeuse d'énergie", si épuisante.

Concrètement, c'était par exemple lâcher complètement les horaires de repas, les enfants assis à table, qui ne sont que des règles culturelles, mais qui n'ont RIEN à voir avec les besoins d'enfants vivants, qui ont faim quand ils ont faim et pas à midi pile, et qui aiment manger accroupis, ou debout, ou en bougeant, mais pas assis sans bouger sur une chaise.

Le lâcher des heures de coucher, les laisser s'endormir avec nous, dans la pièce de vie, à l'heure où ils tombent de fatigue, et pas à une heure qui nous serait dictée par l'habitude de notre société, par nos croyances sur le nombre d'heures de sommeil dont un enfant "aurait" besoin, par des croyances sur la soi-disant nécessité du "chacun reste à sa place", sur cette idée reçue que le soir, c'est l'heure des parents etc...

C'est la même chose pour tous les sujets du quotidien, pour tous les sujets de la vie avec un enfant qui, je me le suis rappelé un jour, n'est pas un robot, mais un petit primate.

A partir de là, les débordements, les "crises" il n’y en a plus eu. Sauf quand la situation leur fait violence à nouveau, pour des raisons que nous ne comprenons pas forcément, mais qui existent (j'ai remarqué que la présence de certaines personnes, très jugeantes, peut les stresser passablement...) A nous de trouver, de comprendre, et de changer, quand nous le pouvons.

Cela s'est fait tout seul

Il n'y a pas eu besoin de trouver tel ou tel outil de communication.

Les enfants ne sont pas dupes, les outils pour leur faire faire ce qu'ils ne veulent pas, ce qui fait obstacle à leurs besoins, ça ne leur va pas, et ils vont continuer à déborder jusqu'à ce que...

Tant que nous chercherons à trouver des solutions pour adapter nos enfants, des solutions pour les aider à « sortir leurs émotions », pour repartir pour un tour le jour d'après, essayant de nous auto convaincre que nous répondons à leurs besoins, alors que nous n’entendons rien, nous ne chercherons pas, à notre échelle, et à l'échelle de notre société, à leur proposer autre chose, de totalement différent, de bien plus adapté à leurs besoins, et par ricochet, aux nôtres, perdus que nous sommes dans la recherche d'outils pour les aider à s'adapter à une situation à laquelle ils ne devraient pas s'adapter, en tant qu'humains.

La violence ne s’arrête pas aux coups et aux punitions…

Essayer de voir la vie entière avec les yeux de nos enfants est un soutien énorme.

Cela n'empêche pas la fatigue, la colère, les soucis, les besoins d'en parler… Ne pas y arriver, c'est humain, mais ce n’est pas une raison pour "justifier" la violence.

La justification des violences que nous leur faisons subir n'est pas acceptable. Mettre le "problème" sur le dos des enfants, au lieu de prendre nos responsabilités n’est pas acceptable. C'est un idéal… Ce n'est pas parce que nous n'y arrivons pas que l'idéal n'est pas valable et qu'il faut le minimiser.

L'intention...

Au final, quand notre INTENTION est claire, avons-nous réellement besoin d’outils pour la faire passer ?

Si nous voulons que nos enfants fassent ce que NOUS avons décidé, autant être francs avec eux, plutôt que de leur faire croire que les besoins de tous sont respectés, que nous avons trouvé une solution « gagnant-gagnant » qui est un leurre et une violence de plus.

Quand mon intention s’est transformée, que j’ai pris conscience que ce que je voulais, c’était répondre aux besoins de mes enfants, respecter leur liberté, les outils sont devenus obsolètes.

Le comble, c’est qu’en répondant aux besoins de mes enfants, en répondant à leur besoin de liberté, je réponds aussi à mes propres besoins. Ils sont tellement plus proches de notre nature humaine que ce que nous ne serons peut-être plus jamais, perdus que nous sommes dans la recherche d’outils, de trucs, dans cette déconnection d’avec notre instinct, notre intuition.

Pour ma part, je ne me suis jamais sentie aussi proche de ma nature humaine…