Réunion (presque) entre mineurs

Compte-rendu Brocéliande juillet 2010


Un soir nous sommes réunis sous la yourte en paille pour une réunion de mineurs. Nous étions tout de même 2 adultes, et 6 mineurs.

L'idée avait été lancée par deux adultes, pour discuter avec des mineurs des sujets que l'on traitait en réunions dans la journée. En effet, à ces réunions ne venaient pas beaucoup de mineurs. De temps à autres ils venaient, écoutaient, participaient, mais en général ils faisaient autre chose, sauf quelques-uns.

Il n'y avait pas spécialement d'ordre du jour pour cette réunion ; nous avons parlé de beaucoup de choses de façon à la fois décousue et tenace lorsque nous tenions un fil qui intéressait tout le monde. Ce compte-rendu ne sera pas du tout chronologique, il est une tentative de mise en ordre de mes notes éparses. On a pas mal rigolé, aussi.

Nous avons redéfini ce que signifiait "mineur", car deux d'entre nous ne voyaient pas ce que ça voulait dire : "Je ne suis pas une mineure, je suis une enfant !". Un mineur est donc une personne de 0 à 18 ans qui n'a pas les mêmes droits que les majeurs ; c'est un terme juridique. Les termes "enfant" et "adulte" recoupent quelques traits de "majeur" et "mineur", mais s'en distinguent aussi ; par exemple, on ne dira pas enfant pour quelqu'un de 16 ans.

Les termes enfant et adulte sont naturalisant, on est de toute évidence un enfant ou un adulte, quand les termes mineur et majeur parlent directement du statut juridique et social de la personne.

C'est donc ces deux termes que nous avons utilisé lors de cette réunion, et plus généralement qui étaient utilisés lors de cette rencontre, car c'est bien à cette distinction sociale, base de la domination des majeurs sur les mineurs, que nous nous attaquons. - bien que nous fassions aussi une critique du coté naturalisant de "enfant" et "adulte"-.

Une chose qui a été soulevée par des mineurs présents était que l'on demande souvent un plus grand engagement aux mineurs qu'aux majeurs. Par exemple, quand un mineur commence une activité (sportive, artistique…) on va lui demander de tenir son engagement sur l'année. Si le mineur a envie d'arrêter cette activité au bout de 3 mois, on va souvent lui demander des comptes : "Pourquoi tu abandonnes ? tu n'a pas tenu assez longtemps pour savoir si ça te plaît ou pas..etc.". Alors qu'un majeur a plus le loisir de s'essayer à plusieurs activités, commencer, laisser tomber…Cette demande d'engagement plus forte pour un mineur est paradoxale, puisque dans le statut même de mineur est contenue l'idée que ce sont des êtres inachevés, immatures, qui ne sont pas vraiment capables de décisions pour eux-mêmes…

Cette demande de justification a souvent lieu dans la vie d'un mineur : "Pourquoi tu fais ça ? pourquoi tu ne fais pas ça ?". C'est très dérangeant, parce qu'on ne sait pas toujours pourquoi on fait ou ne fait pas une chose, et on n'a pas forcément envie de se creuser la tête pour répondre. Là encore, on demande une clarté aux mineurs qu'on ne demande pas aux majeurs.

Une idée qui avait germée quelques jours plus tôt dans la rencontre a été discutée plus à fond : celle de créer un réseau, qui a ici trouvé son nom : "Mineurs en mouvement". Il s'agirait de mettre en réseau des lieus et des gens qui seraient d'accord pour accueillir des mineurs lors de chantiers, ou juste pour de l'accueil, ou encore pour voyager. Trois mineurs présents étaient vraiment motivés pas cette idée, car à 11, 12 et 13 ans, ils ont des envie d'apprentissage, de rencontres, de voyages, qui ne trouvent pas de lieus et de gens pour se vivre.

Nous avons rediscuté de cette idée, entre majeurs et une mineure, quelques jours plus tard ; une dizaine de personnes sont motivés pour mettre cela en place.

A été évoqué aussi la construction d'un lieu pour les ados, où ils pourraient aller seuls, dont ils auraient la gestion. Cette idée a déjà été discuté à l'Eda (Les Enfants d'Abord, association de familles non-scolarisantes et d'enfants non-scolarisés), mais elle n'a jamais vu le jour. Ce serait une bonne idée à reprendre, peut-être ?

L'idée aussi de faire une caisse de solidarité pour payer les transports des mineurs qui voudraient bouger mais dont les parents n'ont pas forcément les moyens de payer tous les déplacements ; et comme généralement ils ne travaillent pas, soit qu'ils n'en ai pas envie soient qu'ils n'en ont pas la possibilité vu leur âge, et comme ils ne reçoivent pas d'aide de l'Etat, cette caisse serait sûrement d'une grande aide.

A un moment, nous parlions de l'intérêt que ce serait de faire des scènes inversées, dans lesquelles les mineurs joueraient les majeurs et vive-versa, pour faire voir le coté intolérable de certaines interaction ("fais ci, ne fais pas ça, etc"), et qu'on ne voit généralement pas quand on est majeur, parce qu'on est passé du coté obscur de la force. De là, une grande idée a vu le jour : faire un film !! J'ai dit que dans le groupe Enfance buissonnière, nous avions un faiseur de films à qui on pourrait en parler, mais les ambitions étaient plus hautes : nous pourrions demander à Coline Serreau, ou à Tim Burton ! En tous cas, c'est une idée à suivre.

Une idée que j'ai noté alors que nous parlions de la difficulté pour les mineurs d'avoir de l'argent (plus précisément, nous parlions de la prostitution comme moyen qu'utilisent certains mineurs pour accéder à l'argent) : ce pourrait être utile d'apprendre à des mineurs les pratiques de débrouillardise qu'utilisent certains d'entre nous, quotidiennement ou ponctuellement, telles que la recup' (de nourriture, de fringues…), la manche (en jouant de la musique, en vendant des petites choses fabriquées), le stop…

Et certainement beaucoup d'autres choses se sont dites qui m'ont échappées !