Comptes-rendus et synthèses

Compte-rendu de trois jours de réunion d’un petit groupe d’ami-es (petits et grands) pour partager des questionnements autour des relations entre enfants, autres enfants et ex-enfants et pour envisager des projets collectifs issus de ces questionnements.

Synthèse des réflexions thématiques et des divers échanges (verbaux et autres) qui ont eu lieu durant cette rencontre.

Il est impossible de tout dire avec les mots. Lao Tseu


Compte-rendu du week-end

La journée de vendredi a été consacrée a passer du temps ensemble, à se retrouver, à parler de « comment on s’organise » et à s’organiser pour ces trois jours, notamment en établissant un programme comportant des plages horaires, incluant des ateliers pratiques (shintaïdo, jeux collectifs et théâtre forum), le visionnage de deux films (« Bonaventure » et « je tape ou je pleure ») et des thèmes à aborder, à réfléchir et développer ensemble :

- Questions de l’« autorité», incluant de définir ce terme mais aussi de comprendre notre manière d’intervenir auprès des enfants et des adultes, de définir ce qu’est la violence, la non-violence, de se poser la question des jugements et des attributions et de recenser tous les outils permettant de mieux comprendre, connaître et soigner les relations conflictuelles et les situations difficiles ou qui nous dépassent.

- Comment s’organiser pour pallier au besoin d’école ? ou que proposer de mieux ?

- Quel rapport d’équilibre entre nomadisme et sédentarisation ? Quelle manière d’aborder les liens entre l’environnement humain et l’environnement naturel ?

- Aborder le problème des vaccins obligatoires et des soins en générale.

  • Samedi

Après un échauffement et quelques pratiques issues du shintaïdo, nous avons tenté-es de visionner un film (« je tape ou je pleure – le développement relationnel de 0 à 3ans» de Véronique Guerin, dont nous avons écourter la diffusion pour cause d’ennui et d’un désaccord de fond assez unanime sur la manière dont les questions étaient abordées dans ce film ! Nous avons également écourter la critique collective de ce documentaire pédagogique (qui serait peut-être intéressante à faire plus tard) en estimant que le décalage entre nos modes de vies actuels et celui évoqué dans le film était suffisamment conséquent pour ne pas avoir à nous y attarder.

Nous avons tout de même put identifier une certaine forme de manipulation dans le discours de V.Guerin qui consiste a employer des termes très jolis, mais au sens finalement très large (coopération, confiance en soi, attention, écoute…etc) pour imposer un point de vue pédagogique que venait contredire toutes les séquences filmées. Par exemple : le commentaire parle « d’accueillir le ressenti de l’enfant » et de « l’inviter à coopérer» Et pour illustrer ce point on voit une aide puéricultrice complètement dénier l’opinion d’une petite fille en l’obligeant à laisser entrer un petit garçon dans la cabane qu’elle a investie, on voit clairement comment l’adulte oublie d’accueillir le ressenti de l’enfant au nom du « devoir de coopération » qui apparaît alors arbitraire et absurde. Autre exemple mémorable sous le chapitre intitulé «Rencontrer », on voit un enfant s’approcher d’un portail en barreaux métalliques ; de l’autre coté de ce portail on aperçoit une vieille dame en fauteuil roulant qui fait un geste en direction de cet enfant. L’enfant attrape la poignée et semble manifestement vouloir ouvrir ce foutu portail, il regarde autour de lui cherchant peut-être l’aide d’un adulte. Finalement la veille dame s’éloigne poussée par un autre adulte. Elle salue l’enfant qui semble un peu désemparé et il y a de quoi l’être si c’est ça qu’on appelle se « rencontrer » !)

Après avoir un peu tergiverser sur l’absurdité d’un tel document nous en avons tiré quelques enseignements notamment que le fait de percevoir l’aveuglement des autres ne devait pas nous leurrer sur notre propre aveuglement et que nous avions aussi certainement des barrières à franchir que nous ne percevons même pas.

(...)

  • Le lendemain

On a encore tenté/e de voir un film cette fois sur le projet d’une école dite « libertaire » sur l’ile d’oleron « Bonaventure ». On a pas réussi/e à le voir jusqu’au bout non plus…

Dans cette école toutes les tâches de la vie quotidienne (courses, cuisine, vaisselle, ménage…) sont prises en charge par les enfants accompagné/es d’un ou deux adultes et ça c’est le coté chouette. Mais ce projet apparaît sous pas mal d’aspects encore vachement « scolaire » : les enfants y viennent tous les jours de la semaine avec leurs cartables et remplissent leur agendas…etc . La définition du mot « libertaire » est très différente pour tous/tes et devient finalement super floue… Cette école était certes fondamentalement autogérée et ouverte mais peut-être pas tout à fait « libertaire »… On en reparlera…

(...)

Présentations et attentes

(synthèse sommaire)

Le temps consacré aux présentations de chacun-chacunes a eu lieu de façon informelle autour d’une grande table accompagnée d’un cubi de vin rouge (plateau du Quercy) et un de vin blanc (Bergerac) (je précise ce détail afin de situer le coté « détendu » du moment.)

Nous nous étions proposé-es d’évoquer notre situation actuelle (présentation de soi et questionnements du moment), éventuellement notre enfance et notre rapport à l’éducation/enseignement (ce que finalement peu ont fait) puis de présenter nos attentes personnelles pour la rencontre de ces trois jours sous forme de tour de table aléatoire.

A peu prés tout le monde a souligner la nécessité de penser et agir en collectif.

Plusieurs d’entre-nous ont signalé-es leur désir de sortir de l’isolation, du « ghetto parental ».

Certain-es estiment que les parent-es ne sont pas forcément les mieux placé-es pour éduquer leurs enfants (entre autre du fait du conditionnement entre savoirs, autorité et dépendance affective). Il apparaît en tous cas nécessaire de ne pas les laisser seul-es les un-es avec les autre.

Beaucoup souhaite que leurs enfants grandissent avec d’autres enfants et d’autres adultes, avec lesquels s’accorder, être en confiance, partager des envies, des réflexions et des projets communs.

Tout le monde a exprimer le besoin de partager des questionnements sur ses propres comportements vis à vis des enfants ; « d’apporter des réponses collectives aux questionnements individuels » ; de continuer en groupe des recherches personnelles sur nos conditionnements, nos peurs, notre évolution.

Certain-es souhaite pouvoir mieux comprendre et dépasser certains ressentis violents et/ou culpabilisants face aux enfants.

Quelques un-es sont dans l’urgence (scolarisation imminente), d’autres plus tranquilles (pas pour tout de suite)

A quelques rares exceptions prés on dénote un net refus de l’école et de ce qu’elle représente (obligation, privation de liberté, compétition, jugements…).

On remarque également un désir de vivre dans le respect de l’individu et de la terre ; dans un souci d’autonomie et de coopération, de privilégier une alimentation et des soins « naturels »

Ont été également évoqués :

- la nécessité d’un réseau fiable et cohérent, support à l’organisation de projets ponctuels et pouvant répondre à nos besoins (mise en commun d’informations, de réflexions, d’outils et de projets) ;

- le souhait d’équilibrer nomadisme et sédentarisation ;

- le désir de s’investir dans un projet de lieu de vie et d’accueil ;

- un projet de caravane d’enfants durant plusieurs mois…

(…)

Synthèse sur la question de l'autorité des adultes sur les enfants

Réflexion abordée à partir d'un exemple concret qui eu lieu au départ de la "conversation", à savoir le(s) rapport(s) d'autorité que les enfants peuvent entretenir, déjà, entre eux.

1) Tentative de définition de l'"autorité"

- Obligation imposée à l'autre

- Exercice d'un pouvoir sur l'autre qui délègue son propre pouvoir

- Défaut d'autonomie chez les enfants qui confère aux adultes une autorité permanente, à distinguer de l'"oppression"

2) Quel degré d'implication (d'autorité (donc?)) des adultes face à ce rapport de force (d'autorité (donc?)) entre les enfants?

  • origines de ce rapport d'autorité entre eux :

-test calqué sur les rapports entre adultes, mimétisme

-test pour se connaître entre eux et eux-mêmes face à une situation

-la construction de la personne(-alité) s'effectue, en partie, par la frustration

-pouvoir de la verbalisation sur le manque de mots des plus petits pour dire, exprimer, demander...

  • Les différentes propositions face à cette situation estimées les moins autoritaires:

-laisser se mettre en place la relation entre les enfants, en faisant, notamment confiance en nos réactions intuitives forgées en amont par une réflexion, et confiance en l'enfant quant à la résolution du "litige"

-demeurer vigilant face à nos propres schémas d'adultes afin d'éviter de plaquer des interprétations fausses sur une situation propre au monde de l'enfance

-conserver une distance pour ne pas poser arbitrairement ou non les rôles victime/bourreau et n'intervenir que lorsque l'intégrité physique, psychique ou morale de l'enfant peut être atteinte, rôle sécurisant de l'adulte plus que d'autorité

-références à deux pédagogues:

-Neill préconisait un minimum d'intervention et d'encouragement, laisser à l'enfant sa propre gestion du conflit ou autre

-Freinet a expérimenté une technique qui consiste à mettre à disposition des enfant un cahier sur lequel ils consignent leurs préoccupations, cahier consulté une fois par semaine donc délais pour mûrir le problème

Synthèse sur la question de la violence

et propositions d'outils pour gérer au mieux ses manifestations

De fait, dés la naissance même, la violence fait partie de la vie. Par la suite, dans son désir d'explorer le monde et de s'y inscrire, l'enfant cherche les limites autant avec les objets qu'avec ses semblables humains, d'ou parfois le réflexe pour l'adulte de hausser la voix pour poser un interdit, le plus souvent pour protéger l'enfant (dans l'idéal), cette méthode est perçue la plus part du temps comme un écueil à dépasser

Différents outils proposés pour éviter la violence :

-être en adéquation avec ses convictions d'adulte

-cerner les limites avec clarté et force explications si nécessaire,

-expliquer les mobiles de l'interdit

-bannir les mensonges et les non-dits

-casser le conditionnement qui consiste à ne pas voir la violence là où elle est cachée ou masquée: quand l'ordre social détermine et situe la violence mais ne tient pas compte d'une violence oppressive plus insidieuse qui interdit la personne à être libre de s'exprimer, ou quand l'on pose une idéologie (cf Krishnamurti)

-exprimer ses besoins, parler de son ressenti à la première personne

-la vie en collectivité offre la possibilité de déléguer sa parole, passer le relais afin de reprendre de l'énergie et aussi pour que l'enfant n'entende pas que les parents poser des interdits ou autres

-des fois, ne pas forcément parler mais regarder dans les yeux (cf J.Salomé et son observation du langage non-verbal des enfants+"passage à l'acte":l'enfant ressent les interdits arbitraires, les schémas informulés, en résulte le test)

-écouter au lieu de réprimer, regarder, attentivement et avec un vrai intérêt, la cause première, cela évite un jugement hâtif donc peut-être faux,donc potentiellement violent et invite à la liberté

-ne pas stigmatiser une action, dire ceci est une"bêtise" par exemple car jugement

-utiliser l'humour sans modération

- rebondir, désamorcer une crise en déplaçant le regard de l'enfant vers autre chose sans "écraser le problème", attendre le moment ou l'enfant est le plus réceptif pour lui expliquer ses motifs ou exprimer ses raisons

-dire à l'enfant que son message explicite ou implicite est "entendu" afin d'éviter les somatisations ou autres symptômes d'isolement

-échanger du temps entre parents

-réactualiser, repartir du présent

-RESPIRER!

(...)

Note: un nombre conséquent d'échanges informels et spontanés ont eus lieux pendant cette rencontre (par ex: la sexualité des enfants, le synchronisme action/réflexion, les différences de prises de paroles...) qui ont contribués au développement de la réflexion et débouchés sur un certains nombres de propositions... Il est difficile de les retranscrire ici mais cela méritait d'être mentionné... Donc Voilà...

Bilan et perspectives

Bilan de cette première rencontre

Tout le monde semble avoir apprécié/e cette rencontre, et plus particulièrement les possibilités que nous nous sommes offert/es de pouvoir mieux se connaître, s’exprimer librement, élaborer une réflexion collective et des projets communs.

Le climat de confiance réciproque qui a régné ces quelques jours a permis un bel équilibre entre les débats de fonds et la vie quotidienne, entre l’intime et le politique.

Chacun-es a put s’enrichir de l’expérience des autres (« les témoignages permettent de prendre du recul et ouvrent des portes… »

On s’était proposé/es d’éviter les débats stériles (par ex : pour ou contre l’école publique ?) et de partir plutôt de sa propre expérience et de cas concrets ce qu’on a assez bien réussi dans l’ensemble.

Les parent/es ont soulignés l’importance et la richesse de la présence des « non-parent/es » (du fait de leur recul et d’une implication affective différente en plus de leur soutien et de leur apport théorique et pratique)

L’impression globale qui se dégage de ce bilan de ces quelques jours est qu’il s’agit d’un beau début…et que ce n’est qu’un début…continuons !

  • Perspectives

(Propositions pour la suite en ce qui concerne le déroulement de la prochaine réunion)

  • Comment on se revoit :

-Tout le monde prévoit d’amener à boire et à manger (par exemple : une caisse de légume et un cubi de vin, huile, sucre,…)

-Maintenir une journée d’immersion/atterrissage au début de la rencontre pour permettre d’échelonner les arrivées, de se retrouver, de se synchroniser, de s’adapter au lieu et de s’organiser…

-On essaye de se synchroniser au maximum mais on ne s’attend pas pour commencer quoi que ce soit.

-Faire une grande ballade tous-tes ensemble.

-Ballade/pique-nique/réunion (le fait de changer de lieu et de modalités de prises de parole est dynamisant, enrichissant et c’est une manière momentanée d’équilibrer nomadisme et sédentarisation…)

-Mieux répartir les ateliers pratiques et les temps de discussion au sein d’une même journée.

-Si on visionne un film ensemble c’est qu’au moins l’un/e d’entre nous l’a vu-e et trouvé-e digne d’intérêt ou pouvant donner matière à réflexion…

-Pour garder ce climat de confiance entre nous propice à des échanges plus profond et sincère on n’invite que nos ami-es (sous entendu des personnes que l’on connaît et avec qui on a envie de partager du temps…) on restera tout de fois vigilant-es à ne pas parasiter l’accueil des nouvelle/aux avec des « private joke » et des effets de connivences exclusives. (intégration et fédération, deux pôles antagonistes ?)

-Prendre le temps de suivre les propositions des enfants (par ex : construire et/ou investir des espaces à leur échelle et qui leur plaisent : mini-tipis, cabanes dans les arbres, etc.)

  • Thèmes et ateliers qu’on a envie d’aborder :

-La question des parent/es séparé/es en particulier et des rapports de couple en général : les parents en couple forment un modèle dominant mais pas forcément idéal. On est d’accord qu’il faut être au moins deux pour concevoir un/e enfant mais pourquoi ça devrait conditionner la suite ? Quel type de relation induit l’image permanente d’un couple hétérosexuel stable ? Quels clichés préfabriqués entravent encore nos libertés ?

-La question du rapport au temps : montre et calendrier ne sont pas les seuls moyens de « lire » et de comprendre le temps. Le temps n’est pas seulement linéaire et chronologique. Quels autres outils avons-nous pour partager quelque chose d’aussi sensible et personnel que le temps ?

-Aborder d’autres manières de se parler en collectif : plus petit groupe, groupe non-mixte, inventer d’autres équilibrages grande/petite gueule...

-Aborder une certaine forme de présence par le regard du clown

-Aborder des situations qui posent question a travers le théâtre-forum

-Continuer à se dé-couvrir et à se comprendre autrement par des jeux, du shintaïdo et d’autres formes d’échanges physiques…

-Réfléchir à des temps avec les tout/es-petit/es (<1 an)

  • Les trucs à faire :

-Raconter par écrit (ou autrement)son rapport personnel à l’apprentissage, à l’autorité

-Recenser des outils de résolution des situations délicates ou qui nous dépassent

-Recueillir et/ou faire nous-mêmes des brochures (recueils de textes facilement co-pillables et diffusables à prix libre) par exemple sur l’apprentissage informel, l’abolition de l’enfance, les soins naturels, etc.

-Récolter, compiler (par ex :faire un dossier) et diffuser des infos juridiques et autres au sujet de la non-scolarisation, de la vaccination obligatoire, des services (de contrôles) sociaux et des réseaux de soutien (potentiel)

-Etablir une bibliothèque et un infokiosque thématique.

-Ramener des jouets, des jeux, des instruments de musiques, des livres, des cd, des films, des crayons de couleurs, des ciseaux, de la colle, des feuilles de papier, etc. à communiser (laisser définitivement en libre accès à tous/tes) ou à prêter à plus ou moins long terme (signaler ce qu’on veut garder et retrouver en bon état)

-Construire le petit-dôme enfant (facilement (dé-)montable par les interressé/es)

-Ramener le dôme collectif chantier/festival (trouver une bâche costaude ou plusieurs pour le couvrir)

-Amorcer un atelier de critique de la culture enfantine (films, revues, jouets, jeux…)

  • Quelques points de méthodologie :

-Rester attentif-ves aux (inter-)relations entre grands et petits tout au long des rencontres.

-Partir d’exemples concrets, de son propre vécu/expérience avant de développer des théories plus générales.

-Imaginer et formuler des issues aux situations qui nous paraissent bloquées, aux questions qui semblent sans réponse.

-Ne pas hésiter à (re-)définir ensemble les termes dont le sens nous paraît flou ou trop large ou trop étriqué.

-Relever ce qui est de l’ordre de l’idéologie des adultes, ce qui relève des comportements propres aux enfants et des outils qui permettent aux adultes et aux enfants de se comprendre et de grandir ensemble.

-Accorder plus d’importance à l’écoute (de l’autre et de soi) qu’à la défense (pure et dure) d’opinions arrêtées et/ou d’a-prioris. ("conversres" vient du latin con-versare qui signifie « vivre ensemble » ≠ "discuter" vient de dis-cutare : « couper en deux » )

-Repérer et souligner toutes les propositions d’actions concrètes et collectives.

-Envisager des prises de positions (théoriques et pratiques) communes (ou pas …) face au conditionnement, au contrôle social, aux diverses formes d’oppressions actuelles et à venir (=ANTICIPER)

-Ne pas stigmatiser l’autre ou soi-même avec des jugements hâtifs, des idées préconçues ou des schémas pré-établis. Ne pas enfermer ni l’autre ni soi-même dans des images ou des rôles.