Autorité : mise en situation

Compte-rendu jeu-discussion Cevennes Toussaint 2007


Lors de cette rencontre tomate, nous avons pris la notion d'autorité comme thème principal.

Ce vendredi matin, nous étions 7 majeurs et 6 mineurs. On nous proposa de former des couples (de préférence un adulte et un enfant), puis de tirer dans un bonnet un bout de papier sur lequel une situation était écrite. Si la situation ne nous convenait pas, nous pouvions en repiocher une autre. Ensuite, nous avions quelques minutes pour nous isoler et imaginer la scène que nous présenterions devant tout le monde. Deux personnes joueraient les journalistes qui viendraient à un moment poser des questions aux acteur/trices.

Pour certain-e-s des adultes, l'un des objectifs était que les enfants s'expriment sur la question de l'autorité.

Bien sûr, il ne faut pas imaginer que tout se déroula dans l'ordre et le calme. Des enfants ne voulurent jouer qu'avec un de leur parents, d'autres ou les mêmes décidèrent qu'ils voulaient devenir journalistes ou qu'ils ne voulaient plus interpréter de scène. A l'inverse, des jeux eurent lieux autour du portique à côté duquel se déroulaient les pièces, sans compter les demandes de tartines et les revirements des un-e-s et des autres. Bref un joyeux bordel tomatique qu'il est bien difficile de traduire dans un compte rendu.

Les noms des intervenant-e-s sont remplacés par des lettres prises par ordre d'apparition. Nous précisons tout de même le sexe et le statut mineur/majeur de chacun-e.


Première scène : Touche pas à mes affaires !

A (garçon mineur, le plus âgé des mineurs présents à cette rencontre) : le fils / B (fille majeur) : la mère

Une maman et son fils sont au supermarché pour faire les courses.

B : Bon, allons acheter des légumes.

A : Je veux des bonbons.

B : Mais tu en as déjà eu hier et puis tu sais que cela fait pourrir les dents.

A : Je les achète avec mes sous.

B : Tes sous, tes sous, je te rappelle que c'est moi qui te les donne.

A : Je veux des bonbons !

B : Attention, ne pousse pas le bouchon trop loin. Je vais m'énerver et tu sais que je gagne toujours à la fin.

A : Si c'est comme ça, je m'en vais.

B : Attends, attends. OK, je te les achète. Viens, je vais t'aider à les attraper.

A : Non, c'est moi qui le fait.

Les journalistes interviennent.

Au cours de la discussion qui s'ensuivit nous apprîmes :

- que cette scène illustrait la situation : « Touche pas à mes affaires ! » et non « Je veux des bonbons ! »

- que c'était A, le mineur, qui avait choisi la situation,

- que lors de la préparation, il n'avait pas été question de bonbons mais seulement d'un article que désirait le fils et que lui refusait sa mère.

Tout cela orientait l'interprétation de ce qui se jouait moins autour du désir de bonbon et de la volonté de protection de la mère, mais plutôt autour de la revendication du mineur à pouvoir, comme un adulte, disposer comme il le souhaite de l'argent qu'il a.

Par ailleurs, à un moment, B fit remarquer qu'A avait dit qu'il ne vivait pas cette situation alors même que la conversation semblait indiquer le contraire. Des adultes firent le lien avec d'autres enfants qui également avaient dit qu'ils ne vivaient pas les situations de conflit indiquées sur les papiers alors que les adultes vivant avec elleux disaient l'inverse. Divers adultes interprétèrent ce paradoxe avant même qu'on demande à A, qui était présent et volontaire pour participer, pourquoi il avait dit cela. La réponse de A fut que sachant d'avance que sa mère n'accepterait pas l'achat de bonbons et pouvant par ailleurs en avoir lorsqu'il est chez son père, il a renoncé à exiger de sa mère la possibilité d'acheter des bonbons avec son argent et donc ne vit pas la scène telle qu'elle a été jouée.


Scène 2 : Viens te coucher, il est tard !

C,garçon mineur, qui devait jouer cette scène, refuse finalement de la faire. Il est remplacé au pied levé par E.

D (garçon majeur) : le père / E (garçon majeur) : le fils / F (garçon majeur) : la mère

D : E, E, Où es-tu E ?

E (joue sur le portique) : Putain, qu'est-ce qu'il veut ?

D (continue à appeler E jusqu'à ce qu'il arrive au portique) : Qu'est-ce que tu fais ?

E : Je joue.

D : Tu veux jouer ?

E : Ouais.

D : D'accord, je te laisse encore 5 minutes. (cinq minutes après) On avait dit cinq minutes. Maintenant, il est temps d'aller au lit.

E : Tu fais chier.

D : Comment tu parles à ton père !

E (s'adressant aux autres enfants en train de jouer sur le portique) : On dit tous ensemble, D tu fais chier !

C'est à ce moment, je crois, ou juste avant que le public demande à D de faire comme si tous les enfants jouant sur le portique sont les siens et qu'il doit les emmener au lit ce qui déstabilise un peu D. Ce dernier demande à ce que quelqu'un joue la mère. F se lève.

D : Je n'y arrive pas. Débrouille toi avec eux.

F : Ecoutez les enfants (personne n'écoute), je vous comprends. Je sais que votre père est un peu brut mais faut l'excuser : avec tous le travail qu'il a en ce moment. Et puis, dans le fond, il a raison : il est l'heure d'aller vous coucher.

Les enfants n'écoutent toujours pas. A vrai dire, dans la réalité, ils sont beaucoup trop occupés pour se prêter au jeu. Les journalistes interviennent. Cela devient un joyeux bordel. J'ai parfois l'impression que C, qui avait refusé de jouer, mais dont on sait, par ses parents que la situation le concerne, écoute attentivement la discussion même s'il ne dit rien et ne semble pas s'intéresser à ce qui se passe.


Scène 3 : Au parc, il est l'heure de rentrer.

G (garçon majeur) : le père/ H (garçon mineur) : le fils/ I (fille majeur) : journaliste

G : Allez, il faut rentrer maintenant.

H : Non.

G : Il est l'heure de goûter et maman nous attend.

H : Je préfère jouer.

G : Mais si on ne rentre pas tu ne pourras pas goûter.

H : C'est pas grave. Et puis tu pourrais amener le goûter au parc.

G : Si c'est comme ça, je m'en vais tout seul.

H : Pars !

G : Tu veux vraiment que je parte ?

H : Non, mais si tu veux, vas y

G : J'y vais.

H : Vas y.

G (à part) : Merde ! (Il s'en va et revient) On y va maintenant !

H : Non.

G attrape H qui s'accroche au portique pour ne pas être emmené.

Les journalistes interviennent et commencent à poser des questions à H. H continue à jouer sans répondre.

G : H regarde la dame lorsqu'elle te parle. Et puis t'es tout sale.

I : Comment voudrais-tu que ça se passe ?

H : Qu'on amène le goûter au parc.

I : C'est possible G ?

Un spectateur : En tant que parent, je sympathise car on se fait chier au parc.

H : Je m'en fous.