Récit, bilan et perspectives

Compte-rendu rencontre tomate juillet 2007

Nous étions dans un lieu très beau en pleine campagne limousine, bois, arbres épanouis, étangs vasouilleux, marécages mélancoliques, source abondante, petits chemins ombragés, fougères, orties et mûres parfois mûres…le tout arrosé de pluies généreuses, on n'a rien sans rien comme quoi.

Ce lieu est habité par des écorchés et des rêveurs de tous poils, yourtes, cabanes, camions, roulottes, chevaux...En se promenant, comme ça, au petit matin au hasard des chemins, on se croirait facilement dans un genre de "belle verte"..! Notre présence a été vécue comme envahissante et pertubatrice par certains habitants de ces bois, mais d'autres au contraire étaient contents que l'on soit là et nous l'ont bien montré !

Notre arrivée s'est échelonné grosso-modo du 10 au 14, et nous avons organisé une rencontre "avè les locaux" sous forme de pic-nic/jeux le 18; mais presque personne n'est venu; en plus il faisait pas très beau ce jour-là...On s'est dit après coup qu'un apéro aurait peut-être était plus approprié comme proposition de rencontre. Cela dit, on s'est bien marré à faire des jeux tous ensemble, adultes et enfants confondus...à part le jeu des axes ("à mon âge j'ai le droit/pas le droit de" croisé de "je trouve ça normal/pas normal") qui n'a intéressé personne en dessous de 25 ans plus d'un quart d'heure...

Un beau moment collectif, proposé par un gars du lieu, et partagé avec nos hôtes qui nous avaient préparé un bon repas pour l'occasion, a été une hutte de sudation, commencée en début de soirée quand il faisait encore jour avec les enfants et qui s'est poursuivie dans la nuit par des chansons autour du feu...c'était bon, ça !!

Quelques nouvelles personnes nous ont rejoints.


La construction de notre camp s'est fait petit à petit pendant les premiers jours : sur le terrain, il y avait déjà un très grand tipi dans lequel nous dormions tous ; ont été rajoutés une yourte et le tout nouveau dôme construit pour cette rencontre et destiné à servir pour d'autres occasions (il va aller cet été à le rencontre de l'éda par exemple); la yourte a servi principalement de lieu pour les enfants (ça s'est fait tout seul) et le dôme comme abris pour la bouffe dès qu'il a plu; à l'extérieur, à l'ombre, un petit aménagement pour la cuisine, à coté du feu où étaient préparés tous les repas ; un peu plus loin, au bout d'un chemin creusé dans les fougères, les toilettes sèches...Sous le soleil, l'ensemble avait une gueule très sympathique...mais sous la pluie, ça devenait un peu précaire, faut bien le dire.


A un moment, vers le début...nous avons fait un tour de feu pour noter ce que chacun voulait de cette rencontre; plusieurs idées de discussion, et beaucoup d'idées de trucs à faire ensemble ont émergés; et aussi, une certaine envie partagée par plusieurs de se laisser vivre tranquillou...

Eh bien, cette rencontre a été une belle réussite de cet objectif-là : on s'est bien laissé vivre tranquillou !

Et ce faisant, nous avons expérimenté comment les choses s'agencent quand on ne fait pas de planning...oh, il y a bien eu une p'tite discussion par-ci, un p'tit jeu par-là qui étaient "formalisés et planifiés", mais tout le reste s'est passé au petit bonheur la chance.

Et...plein de discussions informelles ont émergées !! eh oui !


Nous avons essayé de nous rappeler, lors du bilan fait à quelques uns, tout ce dont nous avions bien pu causé le soir autour du feu ou en faisant la popotte ou au bord de l'étang entre deux baignades...

Voilà ce que notre mémoire a bien voulu nous restituer :

- se retrouver confronté à des pratiques chez les (nos?) enfants qui selon nous sont nuisibles ; c'est parti d'une histoire de game-boy, vous savez, ce truc idiot et complètement accaparant...

- comment on peut parfois ne pas se rendre compte que l'autre, et notamment un enfant, ne nous suit pas dans notre jeu, qui peut de ce fait devenir oppressant

- les relations de couple, quand on s'éloigne, quand on se quitte...

- quand on vit d'une façon très marginale, les enfants sont formés là-dedans ; doit-il y avoir des limites à cette marginalité et donc à cette (dé?)formation-là, quelles sont-elles, qui en décide, quel contrôle avoir là-dessus, légitimé par quoi... c'est parti de l'histoire vrai de gens qui apprennent à leurs enfants un langage intentionnellement truffé de tabous (ne pas prononcer certaines lettres, etc.)

- respecter ou non le désir de l'enfant d'aller à l'école quand il est petit : prise de pouvoir abusive ou acte juste de protection ?

- le pouvoir de l'inspection académique sur les familles non-sco

- les pressions de l'entourage proche sur les familles non-sco

- la non-sco est parfois considérée comme un "premier pas" vers une vie plus respectueuse des enfants ; mais cette vision des choses occulte ou minimise ce qui opprime dans la famille, et dans la construction même de l'identité "enfant"...comment se sortir de ces clivages pour penser la libération des enfants ?

- le grignotage : des personnes ont acheté des sucreries (céréales et yaourts indus, gâteaux...) alors que d'autres n'aiment pas vivre à proximité de ces choses si tentantes qui favorise leur addiction...s'en ai suivi un échange autour du vécu des addictions diverses

- le végétarisme : les trois premières rencontres étaient vegan , la première explicitement parce que par définition tout le monde mange au moins vegan, les deux suivantes tacitement ; là, des personnes voulaient manger de la viande, et d'autres se sont retrouvées devant le fait accomplis du fait que ça n'avait pas été discuté collectivement avant ; c'était important pour ces personnes de manger de la viande, comme il est important pour d'autres que ce ne soit pas dans ce collectif un acte banal de manger de la viande...comment faire avec ça la prochaine fois ?

- des contes improvisés collectivement autour du feu, avec des mots ou juste avec des sons...

...et des transmissions de chansons aussi...


Voilà quelques raisons possibles au fait qu'on se soit retrouvés dans un mode de fonctionnement quasi-au pif : le beau temps (quand il pleuvait pas...), le coté roots du campement, le fait de cuisiner sur le feu qui rend impossible de tenir un horaire, et d'ailleurs on n'avait pas de montres, les étangs tous proches pour se baigner, le fait qu'une des personnes qui prenait en charge le coté formel des choses les autres fois se retirait de ce rôle pour cette rencontre, et puis, surtout, le bien-être évident qui naissait du "mode vacances"...


Des frustrations ont tout de même émergées tout au long de la rencontre dû à ce mode de fonctionnement; nous n'étions que peu lors du bilan et tout n'y apparaît pas.

Voilà cela dit ce que nous avons relevé de ce qui nous a plu et déplu dans le coté informel de cette rencontre :

Ce qui a plu :

- le fait de n'être pas pressés par des impératifs horaires nous offre plein d'occasions de jouer avec les enfants

- impression qu'on participait tous et toutes de la même rencontre, sans le clivage habituel quotidien/réunions

- dans les discussions informelles, tous ceux qui participent sont impliqués

- pas de stress dû au fait de prendre en charge des rôles sans qu'ils soient formalisés (faire en sorte que le repas soit prêt à l'heure pour que la réu commence à l'heure, rassembler tout le monde au début d'une réu, veiller à ce que tout ce qui a été planifié et qui correspond aux divers désirs et besoins de tous ait bien lieu, etc., etc....)

- on a eu du temps pour tisser et approfondir nos amitiés

- la façon informelle permet à des personnes qui n'aiment pas trop les réunions de pouvoir s'exprimer tranquillement, sans enjeu affiché ni spécialiste a priori des questions abordées

Ce qui a déplu :

- le manque quasi-total de prise de notes / Idée : la prochaine fois on pourrait amener un MD et le mettre en marche quand on pense que ça vaut le coup

- on perd de l'énergie à répéter quand quelqu'un arrive au milieu de la discussion

- les discussions informelles sont rarement mises en perspective avec des actions

- ça aide qu'il y ait un planning pour faire tout ce qu'on veut faire...


De la liste du début, quelques thèmes ont été discutés, d'autres sont restés en rade, d'autres encore ont émergés au cours de la rencontre ; voilà ce que nous, qui étions présents au bilan, avons noté comme idée pour la prochaine rencontre :

- lors de conflits entre parents et enfants en collectif, est-ce qu'il y aurait des choses à faire, et quoi, pour aider à ce que ça se passe moins mal ; on s'est dit que ce thème pourrait être une sorte de trame pour la prochaine rencontre, une attention particulière portée à ce problème dans la vie quotidienne, présenter le sujet au début de la rencontre puis faire un retour là-dessus quotidiennement et/ou à la fin.*

- différences de comportement avec son enfant quand on est seul et quand on est en collectif ; par exemple, dire oui à sa demande alors qu'on se sentirait mieux de dire non, simplement pour qu'il n'emmerde pas les autres avec des cris et des pleurs...que faire avec ça ?

- mettre des étiquettes , stigmatiser, évaluer...qu'est-ce que c'est, est-ce que c'est la même chose, est-ce que c'est toujours mal, est-ce que des fois c'est pertinent ?

- retour du groupe qui refait la brochure sur la ritaline

- écrire des histoires ensemble

- se dire les uns aux autres pourquoi on est dans tomate : pour changer le monde par des super-actions ? pour un jour vivre tous ensemble dans un super-lieu intergénérationnel ? juste pour se voir et se réchauffer le cœur et le corps ? pour tout ça et plus encore ? bref : comment rêve t'on les uns des autres..?

- un atelier black box (appareil photo avec trois bouts de ficelle)

- faire une affiche murale d'un conte avec des dessins de ceux et celles qui dessinent de façon classe, et les autres aussi, eh oh !

- tenter la résolution des conflits à la mode Bonobos (vous connaissez les Bonobos ?)

*A propos de trame, nous étions trois à avoir réfléchi avant cette rencontre à une trame possible : porter une attention particulière à ce que les tâches de la vie quotidienne soient prises en charge par tout le monde et non pas essentiellement par les mères et les femmes en général, car à la rencontre précédente des injustices avaient été notées à ce sujet ; mais nous n'avons pas eu l'envie finalement de formaliser cette attention, nous avons juste présenté le sujet au début, "en passant"... finalement, dans les faits, beaucoup d'hommes ont cette fois largement pris en charge les diverses tâches quotidiennes (pas seulement monter le dôme et faire du bois...mais aussi faire la cuisine et s'occuper des petits )


On s'est dit aussi qu'on pourrait écrire au début de la rencontre de quoi on voudrait discuter et ce qu'on voudrait faire, comme d'habitude, et au lieu de tout planifier comme aux autres rencontres, ou quasiment rien comme à celle-là, juste planifier ce qu'il est nécessaire de planifier et laisser le reste émerger dans l'informel.

Et aussi, que ça serait bien de faire une rencontre longue, et que les gens qui veulent travailler sur telle ou telle chose se voient en dehors dans des petites réus (c'est un peu déjà ce qui se fait).


Nous n'avons pas fait de totem pour le tipi, ni de concours d'embarcations farfelues sur l'étang, ni de grandes ballades à cheval ...mais nous avons beaucoup joué au loup-garou !