La famille moderne

Aujourd'hui, un petit topo sur "la famille moderne " suivi d'une interview d'un professeur de sociologie à la sorbonne spécialiste de "La Famille", François de Syngli (trouvés dans un dossier du site de l'ina ; je vous ai fait du copier/coller comme ça vous avez pas les pubs... ;-)

Mariage…

La famille est l'institution qui a certainement le plus évolué au cours de ces décennies. Elle apparaît aujourd'hui comme résolument moderne. Alors qu'en 1970 on célébrait près de 400 000 mariages, en 2004, 278 600 mariages ont été comptés. Soit une baisse de 30 %. D'ailleurs, un quart de ces unions sont des remariages. Lorsqu'ils se marient, les couples se décident aussi de plus en plus tard. L'âge moyen lors de la célébration a augmenté de près de six ans. Le mariage ne se définit plus comme une logique institutionnelle, une obligation sociale incontournable, mais plutôt comme une logique affective (« on s'aime, on se marie ») en rapport avec un choix de vie personnel. Pour 56 % des Français, le mariage représente avant tout un engagement solennel vis-à-vis de son conjoint (contre 19 % qui le considèrent comme une institution qui structure la société). Mais 66 % pensent que le mariage n'est pas indispensable à l'épanouissement d'un couple.

…contre Pacs

En effet, aujourd'hui, beaucoup de couples choisissent l'union libre, devenue parfaitement balisée : elle ne concerne plus une population marginale. De même, le pacte civil de solidarité (pacs) s'est imposé peu à peu comme une forme de conjugalité à part entière : depuis sa création en 1999, près de 170 000 pacs ont été signés, dont 40 100 l'année dernière. Mais qui dit union dit parfois aussi séparation. Depuis 2001, la hausse des divorces reste constante. 134 600 divorces ont été prononcés en 2004, ce qui représente près d'un mariage sur deux !

Les naissances augmentent

Même si la France a délaissé l'institution du mariage, elle ne freine en revanche pas son désir d'enfant. Dans le classement européen des pays les plus dynamiques démographiquement, elle se place en deuxième position, juste derrière l'Irlande. Ainsi les naissances progressent : en 2004, environ 800 200 bébés sont venus au monde, ce qui correspond à un indice de fécondité de 1,91 enfant par femme. Depuis les années 1970, le nombre d'enfants nés hors mariage a également progressé d'une manière spectaculaire : en 2004, près de la moitié des bébés (47,4 % des naissances) ont vu le jour au sein d'un couple vivant en union libre, contre 6 % en 1965. Le gouvernement a fini par en tirer les conséquences : depuis 2005, la distinction entre enfants « naturels » et enfants « légitimes » – l'un des héritages du Code Napoléon de 1804 – a disparu du droit civil français.

Familles monoparentales, recomposées ne sont plus exceptionnelles

Ainsi, avec la hausse des divorces et de plus grandes facilités législatives, les familles recomposées et monoparentales explosent. Elles ne concernent plus une population marginale, puisque plus de 4,3 millions d'enfants vivent dans de telles familles. Une famille sur dix est recomposée. 1,5 million de pères et mères élèvent seuls leurs enfants et on comptabilise 50 % de familles monoparentales en plus depuis 20 ans. Sauf exceptions, il est d'ailleurs usuel d'accorder la garde des enfants aux mères. Elles composent ainsi la majeure partie des familles monoparentales : huit fois sur dix, les chefs de famille sont alors des femmes. Il est vrai que le 20e siècle a été marqué par l'émancipation féminine, influençant ainsi une conception nouvelle de la famille. Mais sans doute restera-t-il également dans l'histoire comme celui de la reconnaissance du rôle des pères.


Interview de François de Singly

Sociologue spécialiste de la famille, a accepté de nous livrer son point de vue sur le nouveau modèle familial.

Comment définiriez-vous la famille d'aujourd'hui ?

Apparemment, elle n'a plus aucune définition, puisque le modèle de référence qui tournait autour du mariage a été remis en question. La complexité réside sur la disparition d'un grand modèle normatif et en même temps sur la persistance d'un idéal : les gens souhaitent plutôt vivre en couple et plutôt avec des enfants. On ne rêve pas du tout de vivre seul. En somme, je dirai que la famille c'est l'attrait de vivre avec des proches, avec lesquels on a des liens affectifs. La logique affective est à mon sens la logique dominante de la représentation et de notre idéal de la famille d'aujourd'hui.

Le mariage est en baisse. Est-ce la fin d'un modèle institutionnel ?

La baisse du mariage est extrêmement compliquée. Dans les années 68 – 69, il fallait être « anti-institutionnel ». A l'époque les sociologues pensaient que le mariage disparaîtrait. Or, ça n'a pas été le cas : le mariage a plutôt été progressivement transformé, comme par exemple avec les réformes successives du divorce… De même les couples décident désormais de se marier après 15 ans de vie commune, quand les enfants sont déjà adultes : le mariage est devenu quelque chose qui a du sens privé. Cela n'a rien à voir avec le sens public traditionnel qui consistait notamment à différencier les enfants légitimes d'illégitimes - une différenciation aujourd'hui strictement interdite par l'Europe. En le prenant à un titre personnel, les gens ont l'impression d'inventer leur mariage. Le mariage n'est plus la logique structurante de la famille, mais il ne disparaît pas. Il n'est pas obligatoire mais conserve sa notion de « solidité ».

La logique structurante de la famille serait donc l'enfant ?

Non, ça c'est une erreur très fréquente. Il y a deux principes et le défi de la famille moderne est de les réguler : j'ai besoin d'un proche qui me reconnaît, que je reconnais et avec qui je vais faire un bout de chemin, le plus longtemps possible. Ca c'est la logique conjugale. Elle est fondée sur l'amour entre adultes et est donc instable. Le deuxième principe est la logique de l'enfant. Ce dernier a des besoins spécifiques, il lui faut une certaine stabilité. Donc, d'un côté une logique purement contractuelle qui peut être défaite ; de l'autre côté, un engagement parental à s'occuper de l'enfant. Auparavant, la famille traditionnelle reposait uniquement sur le temps long de la transmission et du patrimoine. Aujourd'hui, il s'est ajouté un temps incertain qui est la logique conjugale. Un couple peut divorcer mais doit rester uni à titre parental. C'est pour cela que des lois récentes veillent à éviter la disparition du père en cas de séparation : pour une autorité parentale conjointe, même après la séparation.

A l'intérieur de la famille, quelles sont les répercussions de ces changements ?

Tout est lié. S'il y a ces transformations importantes, c'est que notre société a changé et est devenue, selon moi, strictement individualiste. Elle est posée sur la conviction que chacun doit devenir soi-même. Il y a une complexité des identités : plus personne ne se définit exclusivement par sa dimension familiale. Le bonheur en famille n'existe que s'il permet le bonheur individuel. D'ailleurs, l'idéal de la famille contemporaine, c'est être « libres ensemble » : on veut bien être ensemble mais à la condition de rester un individu à part entière.

Professeur de sociologie à la faculté de la Sorbonne, directeur de recherches sur les liens sociaux au CNRS, François de Singly est l'auteur de plusieurs ouvrages : « Le soi, le couple et la famille », « Fortune et infortune de la femme mariée », « Les Uns et les autres », « Libres ensemble », « Sociologie de la famille contemporaine ». Il publie actuellement un nouvel essai, « Les Adonaissants », (éditions Armand Colin), où il nous ouvre l'univers secret des « nouveaux jeunes » dans des milieux sociaux contrastés. François de Singly a également dirigé un ouvrage collectif paru en 2004 aux éditions Universalis : "Enfants, adultes / Vers une égalité de statuts ?"